MISTER MIRACLE
PÉRIODE – Rebirth
PAGINATION – 328 Pages
PRIX – 31€ / 7,90€
SCÉNARIOS – Tom King
DESSINS – Mitch Gerads
ENCRAGE – Mitch Gerads
COULEURS – Mitch Gerads
TRADUCTION – Jérôme Wicky
RÉSUMÉ
Élevé sur Apokolips, planète-usine sous le règne de l’implacable Darkseid, Scott Free réussit l’impensable : échapper à ses geôliers pour rejoindre la Terre où il rencontra son mentor, un artiste de l’évasion officiant sous l’alias de Mr Miracle dont il reprendra l’identité. Depuis, aucun barreau, aucune entrave, aucune prison, ne put retenir prisonnier Mr Miracle, symbole d’une liberté retrouvée. Mais que se passe-t-il lorsque l’artiste de l’évasion ultime se trouve aux prises avec une nouvelle forme de captivité : la dépression ? Passé le traumatisme d’une tentative de suicide ratée, Scott va chercher à se redéfinir à travers ses rapports et son historique de super-héros au statut divin. Une seule certitude balisera sa quête d’identité, comme le rappel d’une liberté finalement toute relative : Darkseid est.
AVIS
Je ne suis pas vraiment familier du « QUATRIÈME MONDE » de Jack Kirby (que je n’ai jamais lu) mais heureusement l’auteur a eu l’intelligence de commencer avec un petit cours de rattrapage en préambule de la première issue. Les événements y sont très bien synthétisés et le tout est très facilement compréhensible pour les non-initiés.
Juste après cette petite initiation aux concepts développés par Kirby, le comics peut enfin commencer ! Le premier acte démarre alors et s’ouvre sur Scott Free, en tenue de Mister Miracle effectuant une tentative de suicide qui échoue… Oui, vous l’aurez compris on n’est pas vraiment sur le comics de la joie, de l’optimisme et de l’héroïsme. « MISTER MIRACLE » aborde des thèmes relativement profonds et introspectifs tels que la dépression, la perception troublée de la réalité, l’aliénation, le fardeau de l’héroïsme, la résilience face à l’adversité, les enjeux familiaux et l’influence du pouvoir. Dit comme ça je me rends bien compte que ça peut faire peur mais le tout est abordé avec une extrême fluidité car Tom King explore ces différents thèmes de manière naturelle à travers la caractérisation de ses personnages.
Scott Free est un personnage torturé dont la quête de liberté physique et mentale est au cœur de l’histoire. C’est un maître de l’évasion de renom, capable de se libérer de n’importe quelle situation. Cependant, au fur et à mesure de l’histoire, nous réalisons que Scott est également confronté à des luttes intérieures profondes. Il remet en question sa propre réalité, son passé et son identité, se demandant s’il est emprisonné dans une réalité simulée. Sa tentative de suicide reflète une quête d’évasion de sa propre vie mais c’est au final à la mort qu’il échappera, remettant en question la nature même de son existence.
Big Barda, son épouse, joue un rôle essentiel dans son développement. Elle est une guerrière forte et déterminée élevée à la dure sur Apokolips, mais elle fait preuve d’une vulnérabilité émotionnelle lorsqu’elle est confrontée aux défis de la vie aux côtés de Scott. Leur relation complexe et parfois tumultueuse est au cœur de l’histoire. Leur amour inconditionnel et leur soutien réciproque sont illustrés dans des moments poignants où ils se protègent l’un l’autre malgré les épreuves. C’est sincèrement l’un des couples les plus touchants chez DC Comics.
L’auteur utilise de manière récurrente des ruptures de rythme, un motif récurrent ”Darkseid est” et des dialogues ambigus pour semer le doute dans l’esprit du protagoniste (et par extension du lecteur), l’obligeant à remettre en question la véritable nature des événements qui se déroulent. La présence de Darkseid, représentant une force maléfique et oppressante, joue un rôle symbolique puissant dans la dépression de Scott. Darkseid incarne la voix intérieure négative et auto-destructrice que Scott doit affronter, renforçant le sentiment de vide et de désespoir que peut ressentir une personne confrontée à la dépression.
Tout au long de l’histoire, Scott lutte contre ses démons intérieurs, oscillant constamment de la tristesse profonde au désespoir en passant par la confusion, tout en cherchant à échapper à ses traumatismes. Ses tentatives d’évasion, symbolisent sa lutte métaphorique contre la dépression, soulignant le sentiment d’enfermement émotionnel que peuvent ressentir de nombreuses personnes atteintes de ce trouble, malgré les apparences extérieures.
Côté graphismes, ce comics est également très intéressant Mitch Gerads, a un style artistique assez distinctif qui s’harmonise parfaitement avec l’histoire de Tom King. Il arrive à nous livrer un ouvrage teinté de réalisme, par la mise en scène d’abord, mais aussi par la désidéalisation des corps humains, ou divers détails tels que la pilosité et la représentation de textures particulières.
L’artiste utilise une structure traditionnelle en gaufrier de 9 cases. Cette mise en page offre un certain aspect cinématographique, faisant penser à des pellicules de films. Notons d’ailleurs la présence d’un chapitre réalisé entièrement en plan séquence qui donne un rendu très cinématographique et permet également de banaliser l’action ce qui permet encore une fois au lecteur de s’identifier aux personnages puisqu’elle ne représente qu’une “routine” pour les personnages.
Les variations de saturation de couleurs et de luminosité en fonction de la scène qui se déroule sont très importantes pour transmettre les émotions. Les nuances sombres et plutôt ternes sont utilisées pour évoquer des émotions intenses et renforcer les thèmes de l’histoire. Dans les scènes où Scott remet en question la réalité, Gerads utilise une palette de couleurs désaturées et froides pour créer une atmosphère de doute et de confusion. À contrario, les moments de clarté, d’action et de révélation sont accompagnés de couleurs beaucoup plus vives et claires.
Le style de Gerads permet de facilement distinguer les émotions des personnages. Les expressions subtiles et les regards intenses ajoutent une profondeur émotionnelle à l’histoire. Chaque émotion est rendue palpable à travers les regards perçants et les expressions nuancées des personnages. Les visages sont souvent cadrés en gros plans, permettant aux lecteurs de se connecter émotionnellement avec les protagonistes.
CONCLUSION
« MISTER MIRACLE » est un véritable chef d’œuvre moderne. Comme évoqué tout au long de mon avis, il traite d’une multitude de sujets difficiles mais il est évident qu’il les aborde surtout pour mettre en évidence la reconstruction du super-héros/fils/mari/père, plus simplement de l’être derrière le pseudonyme “Mister Miracle” en mettant principalement en avant des valeurs familiales et terminant sur une touche optimiste.
Avec ce comics une chose est sûre, Tom King et Mitch Gerads nous livrent un récit extrêmement touchant avec lequel ils ont réussi à s’émanciper de l’œuvre Jack Kirby tout en échappant aux schémas classiques et répétitifs caractéristiques des récits publiés par les Big Two.
Jim.